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A propos du film
At Eternity’s Gate est un biopic dramatique américano-britannico-français sur la vie du peintre néerlandais Vincent Van Gogh, surtout sur ses dernières années. Réalisé par Julian Schnabel, il met en scène un Willem Dafoe remarquable dans sa performance de Van Gogh, qui lui a valu un Oscar du meilleur acteur. Il est accompagné à l’écran par Rupert Friend, Oscar Isaac et Mads Mikkelsen. Le film est sorti en 2018, et est disponible sur la plateforme Netflix depuis février 2019.
Le scénario est inspiré de la vie réelle du peintre : de ses lettres, de rumeurs, de moments avérés ou, parfois, imaginaires. Le film invite à se plonger dans l’esprit de ce peintre souvent considéré comme fou, ou du moins habité par des pulsions et des chimères difficiles à saisir. Il offre une vision du monde du point de vue de l’artiste, une approche subjective de son art, et laisse le spectateur sombrer peu à peu dans le monde intérieur de ce monstre du postimpressionnisme. Il dépeint aussi le contexte dans lequel a évolué l’artiste : ses fréquentations, ses inspirations, ses motivations, ses interactions avec les autres, la manière dont il était perçu de son temps… et il invite à une réflexion autour de notre but premier dans la vie, de ce qui dépend de notre volonté ou de notre destin, de qui on veut être et qui on devient, et enfin autour de l'ambiguïté récurrente dans le monde de l’art entre génie et folie, de la frontière fine et impalpable qui fait basculer dans l’un ou dans l’autre, ou dans les deux en même temps.
Le film a donc reçu de très bonnes critiques pour l’ambiance, la réalisation, l’univers parfaitement retranscrit de Van Gogh, et l’intelligence avec laquelle la réalisation plonge émotivement le spectateur dans cet univers, notamment grâce à la performance de Willem Dafoe. Bien sûr, il y a eu aussi beaucoup de critiques, mais liées surtout à l’univers même de l’artiste. Van Gogh, on aime ou on aime pas. Son art non conventionnel divise souvent le public entre ceux qui comprennent sa vision et y adhèrent, et ceux qui ne voient dans ses œuvres que les délires chromatiques d’une personne à la santé mentale douteuse. Mais c’est cela aussi qui est intéressant, et qui soulève des questions universelles : est-il nécessaire qu’il y ait un sens à l’art ? La notion de beauté est tellement subjective qu’est-il vraiment possible de déterminer ce qui est de l’art et ce qui ne l’est pas ?
Bande annonce
A propos de l’artiste
Vincent Willem Van Gogh naît le 30 mars 1853, à Groot Zundert, aux Pays-Bas. Il grandit au sein d’une famille bourgeoise, et est très tôt intéressé par l’art. Il tente dans ses jeunes années de faire carrière en tant que marchand d‘art, mais est licencié car il refuse en fait de voir l’art comme une marchandise. Il se tourne ensuite vers la fonction de pasteur, mais échoue aux examens de théologie. Cet événement qui paraît être un détail montre en réalité l’importance de la religion, ou du moins de la spiritualité, dans le parcours personnel du peintre. Cette influence religieuse est d’ailleurs représentée dans le film sous la forme d’un prêtre (interprété par Mads Mikkelsen), qui va l’interroger sur ses motivations profondes vis-à-vis de l’art et sur le caractère fatalique de cette vocation.
C’est donc vers ses 27 ans, en 1880, qu’il se tourne concrètement vers la peinture. Il décide de quitter les Pays-Bas pour la Belgique, pour finalement s’installer en France. Réellement passionné par l’art existant et pas seulement dirigé par l’expression de ce qu’il y a à l’intérieur de lui, il passe beaucoup de temps à enrichir ses connaissances artistiques en autodidacte ou par des formations, mais surtout en observant le travail de ses prédécesseurs : il visite des musées et galeries, analyse le travail de ses amis peintres, échanges avec des professionnels… On remarque que sa peinture, bien qu’elle soit dans un style spécifique à lui et directement reconnaissable, comporte de nombreuses influences de différents courants artistiques, que ce soit dans le fond ou dans la forme. On dira ainsi qu’il a été influencé par le naturalisme, l’impressionnisme, le pointillisme, le fauvisme, l’expressionnisme, le japonisme…
En tout, on recense plus de 2 000 œuvres de Van Gogh (toiles et dessins), datant des années 1880. Il est influencé par nombre de ses amis peintres tels que Anthon van Rappard, Émile Bernard et Paul Gauguin,et son frère Théo qui est un marchand d’art connu. Il admire aussi Jean-François Millet, Rembrandt, Frans Hals, Anton Mauve et Eugène Delacroix, tout en s'inspirant d'Hiroshige, Claude Monet, Adolphe Monticelli, Paul Cézanne, Edgar Degas, Paul Signac…
Paul Cézanne, Montagne Sainte-Victoire
Paul Signac, Notre-Dame-de-laGarde
Claude Monet, La Promenade
Contrairement à la vision que l’on a souvent de lui, d’un artiste renfermé sur lui-même et exprimant par son art ses délires psychotiques, il était en réalité très ouvert à de très nombreuses formes d’art, et éminemment cultivé. Culture que l’on retrouve dans beaucoup de ses œuvres.
Entre 1872 et 1890, Vincent van Gogh rédige plus de 800 lettres qui témoignent de sa vie ainsi que de l'enchaînement de ses idées lorsqu'il produisait une œuvre. Ces textes étaient pour la plupart adressés à son frère, et constituent un témoignage de ses pensées et ses sentiments les plus profonds, ainsi que de sa démarche artistique et de sa vision de la vie. Elles représentent donc un contenu riche et inestimable sur le contexte artistique et intellectuel dans lequel il évoluait, ainsi que sur la technique pure de ses peintures et sur ses relations avec ses amis et les autres peintres. Ce contenu a d’ailleurs beaucoup servi à la rédaction du scénario de “At Eternity’s Gate”.
Une chose que l’on retient souvent de lui est son instabilité mentale. Et effectivement, c’est une composante de sa vie qui a joué un rôle dans sa fonction d’artiste. Sa vie est parsemée de crises, certaines plus violentes que d’autres et notamment une qui le conduira à se couper une oreille, jusqu’à la dernière qui causa son suicide le 29 juillet 1890, à 37 ans. De nombreux psychologues ont tenté a posteriori d’identifier les troubles dont il était victime, sans parvenir à un diagnostic clair. On sait en tous cas qu’il consommait des substances qui aggravaient ces troubles, telles que l’absinthe.
Autoportrait à l’oreille bandée
Comme c’est souvent le cas pour les artistes un peu disruptifs et sujets à controverse, il n’était pas très connu ni forcément très apprécié durant sa période d’activité. Il n'a été remarqué que par un petit nombre d'auteurs et de peintres en France, aux Pays-Bas, en Belgique et au Danemark. C’est un peu plus tard, dans les années 1930, que ses œuvres font des émules. Elles attirent par exemple plus de 120 000 personnes à une exposition du Museum of Modern Art, à New York. Et il est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands artistes de tous les temps.
Oeuvres de l’artiste
Vincent Van Gogh était un artiste prolifique, avec plus de 2 000 productions à son actif. Il s’est essayé à de nombreux styles et nombreuses techniques : il a par exemple copié toutes les pages du Cours de dessin de Charles Bargue pour s’entraîner, a réalisé plus de 1 000 dessins et croquis d’essais, et s’est essayé à la pierre noire, la craie lithographique, la plume de roseau...
Il représentait surtout des scènes de la vie quotidienne avec par exemple La Chambre à coucher, Les Tournesols, les Vergers fleurissants… dans un style qui se réfère à l’impressionnisme et le pointillisme, avec des touches de couleurs souvent vives.
Même s’il est impossible de réduire son art à 2 ou 3 oeuvres, on peut toutefois en identifier quelques-unes intéressantes à connaître, les plus connues, qui sont représentatives de son approche de l’art et de sa vision du monde, et aussi des influences qu’il a reçues : un Autoportrait, La Nuit étoilée et La Courtisane.
Les autoportraits constituent une part importante des peintures de Van Gogh. En tout, il en a peint 37. Ils sont souvent de petites dimensions, et l’occasion pour lui de tester différentes techniques picturales. Ils sont tous différents, représentatifs à chaque fois de son état du moment. Ainsi on peut le voir avec ou sans barbe, avec un chapeau, avec un bandage après s’être coupé l’oreille… Certains sont visibles dans plusieurs musées, par exemple le Musée d’Orsay à Paris ou le Musée Van Gogh à Amsterdam.
La Nuit étoilée peut être considéré comme le tableau phare du mouvement post-impressionniste et un des plus connus de Van Gogh. C’est une huile sur toile, qui représente ce qu’il pouvait voir et extrapoler de la chambre qu'il occupait dans l'asile du monastère Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy-de-Provence, en mai 1889. Surtout extrapoler, car le tableau n’est pas représentatif de la vue réelle mais est un assemblage de plusieurs éléments de ce paysage, retravaillés dans un style presque surréaliste avec des touches de couleurs. Le ciel occupe la majorité du tableau et est composé de volutes et de tourbillons rappelant des nébuleuses. La Lune est visible en haut à droite, et Vénus est représentée à droite du cyprès (on retrouve cette étoile dans d’autres tableaux, notamment La Maison sous un ciel nocturne). La partie centrale du tableau représente le village de Saint-Rémy-de-Provence vu depuis la chambre de Van Gogh, en direction du nord. Cependant, le clocher de l'église a été modifié et est de style hollandais. On voit apparaître les Alpilles au loin à droite de la toile, mais elles semblent avoir été rapportées non pas du point de vue de la chambre mais en direction du Sud. Enfin le cyprès, au premier plan à gauche, a été ajouté pour la composition.
La toile est maintenant conservée dans le Museum of Modern Art (MoMA) à New York depuis 1941.
La Courtisane est une huile sur toile de 1887. Elle appartient au mouvement du japonisme, qui constitue une part des œuvres de Van Gogh. Le japonisme est un style qui se développe en France surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’ouverture du Japon à l'Occident pendant l’ère Meiji. Van Gogh s' inscrit dans ce mouvement, en s’inspirant surtout des artistes Hokusai et Hiroshige. Il peint ainsi La Courtisane, les Pruniers en fleurs, le Père Tanguy…
Il s’est inspiré ici d’un dessin vu sur la couverture d’un Paris Illustré spécial Japon, y a ajouté un fond inspiré des estampes japonaises, et a reproduit le personnage du dessin dans son style. Ce type de tableau est vraiment caractéristique de la rencontre entre les sujets et thèmes japonais de l’ère Meiji, et la technique impressionniste des peintres du XIXe siècle. Van Gogh est un parfait illustrateur de cette rencontre, avec une courtisane japonaise sur un fond d’estampe, dans des couleurs pleines et vives au toucher épais.